Le choc




Himrïn et Théorhis, le choc des magies.


Préface:
Il s’agit là d’une légende citadine que me racontait mon arrière grand-père durant ma tendre enfance.
Jamais aucune preuve ne m’a été donnée quand à la véracité des dires mais aujourd’hui je tire de cette histoire un enseignement.
La sorcellerie, aussi puissante soit-elle, ne doit jamais être employée à la légère, elle est dangereuse et peut outrepasser les limites personnelles...


La nuit était sombre… Et l’air était lourd.
Arameth veillait.
Infatigable cité d’animations et de travaux, la perle noire du désert rompait aujourd’hui les traditions, endossant une humeur de peur.
Des murmures… des chuchotements… des on dit… des messes basses.
Elle n’osait s’éveiller. Le vent chaud du désert était pour la première fois audible dans les ruelles. Elle semblait inhabitée, abandonnée. Morte. Le silence…
Les pavés de la place du terreau gisaient comme de vulgaires cailloux. Les ateliers du suaire étaient inanimés. Les éternels étalages du vitrail… vides.
Qu’en était-il ?

Mais il en était tout autre.
Aux portes de la ville, quelques citadins semblaient s’amasser observant l’horizon comme si une grande menace guettait la ville, comme si la défaite était inévitable. Les malheureux curieux étaient pourtant la pour une raison précise.
Deux personnalités, deux charismatiques figures de l’horloge du Limonaire allaient être, cette nuit-là, les acteurs d’un changement radical dans les habitudes citadines. Les échos...

Himrïn dit « Le Grand ». Théorhis… dite « La sombre ».
Lui... son frère. Elle… sa sœur. L’un… Chambellan. L’autre… Erudite.
L’un était populaire, l’autre était secrète. Il était ses mains, elle était sa tête.
Ils étaient indissociables, ils ne formaient qu’un.

Deux sorciers. Deux visions, mais une seule place.
L’un souhaitait le pouvoir et la puissance, l’autre souhaitait la connaissance et le savoir.
Il était fonceur, elle était sage.

Himrïn était parvenue à la Chambellerie sur les conseils de sa sœur. S’il avait le charisme pour le devenir, il n’aurait jamais pu sans les connaissances de Théorhis.
Il était le plus jeune et elle savait le materner comme il se doit. Ils formaient le duo incontesté en matière de runes et personne n’osait les défier.
Plusieurs par le passé s’y étaient pourtant tentés, au péril de leur vie.

Cependant les cycles passèrent, changeant au fur des vents le cadet Himrïn. Il n’y avait plus aucun obstacle a sa suprématie runique, hormis sa sœur...
Peu à peu, les personnes ont fini par craindre Himrïn, se réfugiant autour de Théorhis, suivant ses indications. Elle avait pressentie ce moment…
Ce moment où Himrïn ne se contrôlerait plus, mais elle savait qu’il n’y avait rien à y faire. C’était inévitable.
Ainsi se contentait-elle simplement de ne point s’opposer a son frère, tout en formant autour d’elle de jeunes sorciers, qui pourront au moment crucial user de leurs cours pour contrôler les ardeurs du Chambellan.
Himrïn l’apprit et entra dans une rage sans nom, obligeant l’érudite à se cacher.

Les mois passèrent, des mois durant lesquels le Chambellan avait peu à peu instauré une dictature de velours au sein du Limonaire.
Dans l’ombre de son frère, Théorhis n’était pas sans activité. Elle était consciente du mal que Le Grand provoquait en Arameth.
Mais elle attendait, attendait. Elle savait son frère puissant, bien plus puissant qu’elle, même si ses connaissances outrepassaient celles du personnage qu’elle ne reconnaissait plus.
Elle attendait, et attendait encore… attendant le jour où son unique fils et ses disciples possèderont suffisamment de connaissances.
Ce jour fatidique où peut-être pourront-il combler ce qu’elle aura causé et n’aura su réparer. Car c’était bien elle la coupable.
La coupable d’avoir propulsé son frère sur les plus hautes sphères.

Arameth patientait... attendait. Et enfin, un matin, elle réapparut, traversant les grandes portes de la cité.
Tout le monde chuchotait, surpris de la revoir enfin. Elle marchait, la tête haute, son fils n’était pas loin, et ses disciples, encapuchonnés, la surveillaient anonymement dans la foule.
Ses yeux étaient rivés sur le manoir. Elle marchait en direction d’un avenir incertain. Puis enfin les mots devinrent aussi importants que l’or blanc d’Arameth.

« Himrïn … Himrïn… je suis là… je t’attend. »

Elle était face au grand balcon du manoir, mais rien.
Pas un mot, pas un son, aucune réponse ne lui parvint. Quand soudain la porte s’ouvrit, laissant la silhouette de l’homme apparaître.
Il ne parla pas, se contentant de marcher en sa direction. A sa hauteur, il marqua une pause, leva sa main sur son épaule puis la quitta.
Il se perdit dans les sables. Elle devait le rejoindre, elle le savait. L’affrontement était inévitable.
Elle le suivit.
Les gens a leur tour, sur les traces de la Dame, de la Sombre.

Il attendait là, perché sur une grande dune, pointant du doigt, la dune la plus proche.
Elle se laissa guider sur cette dernière. Leurs yeux étaient les uns sur les autres. Tout Arameth observait du haut des murailles ou bien à l’entrée de la cité.
Seuls Himrïn et Théorhis s’animaient.
Puis enfin vint la seconde déterminante. Il déchaîna ses sortilèges, déversant toute sa colère contre sa sœur. Le feu balaya le sable en direction de l’érudite.
Elle demeura impassible. Le feu la traversa, ou plutôt sembla la traverser. Comme invulnérable elle se tenait toujours debout sans aucune marque de brûlure.

« Je n’en attendais pas moins de toi Théorhis… »

Elle resta sourde à ses paroles et demeura immobile.
Aucun cil ne bougeait. Seuls ses longs cheveux se laissaient transporter par le vent chaud du désert. Il réitéra l’assaut, mais de manière différente. Cette fois-ci l’Essentialis ne serait pas son arme, il choisit la Décrépitude.
L’erreur qu’il n’aurait jamais du commettre. Elle était la plus grande maîtresse de cette Sphère et lui - excès de confiance - n’avait fait que survoler la puissance enfouie de cette dernière.
Un nuage noir déferla sur la Dame. De sa main jusqu'à elle, le nuage semblait s’épaissir. Puis tout s’inversa, elle écarta violemment les bras retournant le noir sur son adversaire.
Il plia les genoux sur le sable et évacua des larmes de sang. Ils demeurèrent quelques minutes dans cette position, temps durant lequel Himrïn marmonna une nouvelle incantation.

Elle se laissa tomber sur le sol, mains et genoux sur le sable chaud !
La vitalité la quittait. Il avait aspiré son essence, sa force vitale. Mais comment ?!
Elle lui jeta un regard noir, comme pour lui signifier qu’il avait franchi des limites dont il ne pourrait sortir vivant. Il n’était plus, la sorcellerie avait consumé son âme, son esprit.
Elle se redressa et marcha en sa direction.
Sa longue robe traînait derrière elle comme une reine et sa traîne de soie. Il fit écraser les éclairs sur son chemin, mais elle était sereine, cela ne l’atteignait pas.
Elle était maintenant face à lui, ils échangèrent un regard et au même moment se poignirent l’un l’autre d’une main sur leur cœur.
Ils s’aspiraient mutuellement, comme pour prouver celui qui était le plus puissant. Il semblait prendre le dessus, elle s’affaissa sur elle-même. Elle semblait se pétrifier… ses pieds… ses jambes… son corps.
Son visage implorait son frère de recouvrer la raison. Elle pleurait… Il riait.
Bientôt son visage allait devenir roche tout comme ses mains et son cœur.

Elle leva les yeux, le fixant ardemment du regard.
Elle leva une main soudainement et Himrïn fut propulsé contre toute attente. Il était blessé tandis qu’elle n’avait plus que ses mains et son visage de chair.
Il entra dans une rage folle, ouvrant une aura rougeoyante autour de lui. Elle répliqua d’une aura sombre.
Les deux auras s’entremêlèrent dans une tornade de sable, camouflant les deux acteurs sous un épais voile de sable.
La tornade se dissipa, laissant entrevoir deux silhouettes l’une contre l’autre, l’une maintenant sur ses genoux la tête de l’autre.

Nul ne pouvait savoir qui était qui.

Le carreau quitta son fourreau… la larme perla sur la joue.
Le carreau glissa sur l’air… la larme tomba sur la joue.
Elle avait vaincu… Elle pouvait mourir.
Son fils par erreur avait éliminé sa mère, croyant son oncle vainqueur.
Les ombres l’avaient perturbé...

Himrïn fut anéanti par Théorhis. Une seconde plus tard, elle le rejoignait.
Ils étaient inséparables. Ils ne formaient qu’un...



(Écrit par Melrilgil De Périglote, onzième du nom)